Nous avons passé du temps, cette semaine, aux côtés des employés municipaux en grève, pour les écouter et comprendre ce qui se passait. Nous avons également entendu ce que disait le Maire et ses adjoints, même s'ils n'ont jamais souhaité nous associer à la réflexion ou nous informer directement de leur position.
Notre réaction, collective, est résumée dans le communiqué que nous avons fait paraître dans La Dépêche de samedi matin :
M. Lafon veut faire un exemple, et prend le gouvernement pour modèle
Comme le 16 septembre, une large majorité des employés municipaux de Castanet-Tolosan étaient en grève reconductible cette semaine à partir du mardi 23 septembre.
Cette situation regrettable résulte de la décision prise unilatéralement par le Maire, sans aucune concertation, d’augmenter le temps de travail annuel et de mettre fin aux jours de RTT négociés dans le cadre d’un accord, et ceci sans aucune compensation financière.
Le groupe des élus de l’opposition « Castanet en Mouvement » dénonce la méthode employée par le Maire, faite d’intransigeance et de mépris envers des personnels municipaux qui ont à cœur de bien faire leur travail au service de tous les Castanéens.
Il est possible de gérer une commune sans dégrader brutalement les conditions de travail des employés les plus modestes, y compris dans un contexte national de désengagement de l’Etat. De nombreuses communes de l’agglomération toulousaine de taille comparable à Castanet le démontrent chaque jour.
Nous demandons à M. Le Maire de réunir d’urgence le Conseil Municipal afin d’informer l’ensemble des Conseillers municipaux. M. Lafon ne doit pas avoir peur de provoquer le débat, même contradictoire, au sein de l’assemblée démocratique de notre commune.
Nous assurons les employés municipaux de notre soutien dans leur lutte pour le respect des engagements passés et l’exigence de véritables négociations,
Le Groupe « Castanet en Mouvement »
Cécile Payan - Xavier Normand - André Pennavaire - Yvette Lesoin - Sylvie Bories - Marie-Régine Bardoux - Jean-Marc Huyghe - Dominique de la Lande
Les grévistes nous informent régulièrement à travers leur blog : http://municipaux31320.skyrock.com/.
Le Maire a tenu à informer les Castanéens dans une belle lettre, sur papier à en-tête et sous enveloppe cachetée, belle opération qui a dû coûter cher à la commune, histoire de montrer que pour lui le temps des "tracts" est terminé…
Avec tout cela en main, voici des réflexions plus personnelles.
La discussion porte en apparence sur les 1607 heures de travail annuelles, mais les syndicats ont fait savoir qu'ils étaient prêts à travailler 1607 heures… alors où est le problème ? simplement du côté des rémunérations et autour d'un principe simple que le candidat N. Sarkozy avait retourné le temps d'une campagne : "quand on travaille plus, on doit être payé plus".
L'argument tombe dans le courrier du Maire : "les agents travaillent 1557 heures par an et sont payés pour 1600". Allons jusqu'au bout du raisonnement, cela signifie que la Mairie leur faisait un cadeau, régulièrement, depuis des années, cadeau qui a même été "officialisé" par le Maire dans son courrier du 15 mars 2004 qui a été utilement reproduit au dos du tract des grévistes le 21 septembre 2008. Soyons sérieux, un cadeau qui dure depuis des années et s'applique à tous et en toute transparence de gestion, cela s'appelle un salaire !
Pour des salariés du privé (dont je fais partie depuis 18 ans), parfois assimilés à des forçats privés de droits sociaux, il serait facile de plaider devant les Prud'hommes et de gagner face à un employeur aussi indélicat que la Mairie de Castanet-Tolosan en septembre 2008 !
Ainsi, ce qu'on appelle un "avantage acquis" pour lequel beaucoup de salariés se battent, c'est ni plus ni moins une clause contractuelle dans la relation avec leur employeur, que celui-ci soit public ou privé. Cela ne signifie pas pour autant que le bénéficiaire soit tellement "avantagé"…
Revenons donc au fond de l'affaire : le Maire veut remettre en cause un élément majeur du contrat qui lie la municipalité et ses employés, il le fait de façon brutale et sans concertation préalable avec les représentants du personnel ou les conseillers municipaux et justifie cette brutalité par l'état des finances de la commune. Cela pose deux questions : où en sont réellement les finances ? La méthode employée est-elle la bonne face à la situation réelle ?
Sur l'état des finances, nous savons qu'il n'est pas bon, avec une "capacité d'autofinancement" négative (le coût du fonctionnement est supérieur aux recettes courantes, ce
qui ne permet aucun investissement et creuse la dette) depuis plusieurs années, et pourtant… la communication d'A. Lafon sur le sujet est tout sauf claire :
- en campagne, il assure les Castanéens que tout va bien et que l'opposition n'a aucune raison, sinon de politique partisane, de s'inquiéter ;
- au début de la grève et dans son courrier, il décrit une situation très grave ;
- dans La Dépêche, il indique que l'enjeu est maintenant celui d'un "geste d'anticipation sur l'avenir".
Que penser de tout cela ?
1- qu'une bonne gestion des finances publiques est essentielle pour mener un projet politique dans la durée, et que l'improvisation permanente nous emmène dans le mur ; nous l'avons déjà dit durant la campagne et nous continuerons à le dire !
2- que les orientations de la municipalité ne sont toujours pas claires et que ce ne sont pas quelques économies sur le salaire des employés les plus modestes, qui seront "toujours ça de pris", qui résoudront le problème durablement ; nous demandons d'ailleurs un vrai débat sur ce thème.
3- que la situation actuelle ne justifie pas cette forme "d'état d'urgence" qui interdirait toute concertation.
Parlons de la méthode. Deux constats sont clairs :
1- toutes les collectivités de la taille de Castanet connaissent les mêmes conditions (désengagement de l'Etat, prix des matières premières, etc.) ;
2- de nombreux Maires de communes voisines et comparables à Castanet (Ramonville, St-Orens, Escalquens, …) sont venus soutenir les grévistes, alors qu'ils ont aussi des services à gérer, des employés à payer, des budgets à équilibrer, des syndicats avec qui discuter, des CTP à réunir…
Vous en connaissez beaucoup, des patrons d'entreprises qui viennent soutenir les salariés en grève à l'usine voisine ? Cela veut simplement dire qu'il y a plusieurs méthodes pour faire face à une réalité donnée :
- celle d'A. Lafon, nous la connaissons maintenant, mais sur quoi peut-elle déboucher ? Sûrement pas sur une amélioration du service aux citoyens, même pas en terme de rapport "qualité-prix" : ce n'est pas avec des employés démotivés, coupés de leur encadrement et des élus de la majorité, qu'on se remontera les manches demain ; les "turbulences" à venir dont parle le Maire dans son courrier ne sont pas que "budgétaires", elles sont celles d'une société où il faudra se serrer les coudes ;
- l'alternative, c'est de poser le problème, de discuter avec les partenaires, d'impliquer l'encadrement et les adjoints, de prévoir également de partager les efforts ; c'est ce que font beaucoup de Maires et c'est ce que nous étions en droit d'attendre quand il était question lors du dernier Conseil Municipal de la mise en place d'une "gestion des ressources humaines".
Pour finir, il y a un point que je voudrais souligner à la lecture de l'interview d'A. Lafon dans La Dépêche d'hier et qui me semble relever d'un positionnement clairement
idéologique. Je passe sur le fait que "la grève donne des idées pour supprimer quelques postes dans la collectivité", apparemment ces idées n'avaient pas attendu la grève, mais la suite
est plus grave : "le cours (coût ?) horaire est trop élevé et non-concurrentiel". C'est un argument couramment utilisé dans le privé pour externaliser,
voire délocaliser, une part croissante de l'activité. Dans de nombreux cas, cela permet de faire réaliser le travail par des salariés qui ont (encore) moins de droits. Dans le cas des services
municipaux, cela peut déboucher sur des emplois précaires, à temps partiel, tenus pourquoi pas par des titulaires du RSA ; cela permettra bien entendu de faire des économies budgétaires, mais à
quel prix pour la société ? A. Lafon veut-il augmenter le niveau de précarité dans notre collectivité avant même d'avoir considéré d'autres pistes de travail ? C'est un point que j'aimerais bien
débattre avec lui s'il était prêt à débattre…
Alors aujourd'hui, tout bien pensé, sans que cela relève d'un calcul ou d'un positionnement de principe, je me sens pleinement solidaire des employés municipaux de Castanet
dans leur lutte pour le respect des engagements passés et l’exigence de véritables négociations.
Rédigé par : X. Normand